- jeûner
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• XIIIe; jeüner 1119; lat. ecclés. jejunare1 ♦ Se priver volontairement de nourriture ou en être privé; rester à jeun. Le loir jeûne tout l'hiver. Jeûner jusqu'au soir. Faire jeûner un malade. Jeûner pour protester (cf. Grève de la faim). — Faire jeûner des escargots.2 ♦ Observer un jeûne rituel. « J'ai prié sans relâche et jeûné quatre jours » (Leconte de Lisle).⊗ CONTR. Alimenter (s'), 1. manger.jeûnerv. intr.d1./d être privé de nourriture.d2./d S'abstenir de nourriture, partic. pour des motifs religieux.⇒JEÛNER, verbe intrans.A. — Ne pas s'alimenter volontairement ou être, par force, privé de nourriture. Je refusai de déjeuner. Ma mère (...) me regarda avec une inquiétude qui me fit de la peine. Je n'en jeûnai pas moins (FRANCE, Livre ami, 1885, p. 63). Je lui ai rendu récemment visite dans le taudis de Rummelsburg où ses séquestres le font jeûner ou le gavent selon l'intensité qu'ils veulent donner à leur phare (GIRAUDOUX, Siegfried, 1922, p. 43) :• 1. JEANNETTE : Je leur ai donné mon pain : la belle avance! Ils auront faim ce soir; ils auront faim demain. (...). Jeûner, jeûner ne serait rien. On jeûnerait tout le temps si ça servait tout le temps. On jeûnerait tout le temps si ça servait une fois. On jeûnerait tout le temps si ça servait jamais.PÉGUY, Myst. charité, 1910, p. 19.♦ Jeûner de. Être privé de. Nous jeûnons encore de lait, toutes les vaches sont ou ont été malades, demain on jette la sixième aux loups (E. DE GUÉRIN, Lettres, 1831, p. 6).— En partic., fam. S'abstenir de boire (de l'alcool). Crommelynk (...) s'enivre ou Claudel jeûne (COLETTE, Jumelle, 1938, p. 81).— En partic. S'abstenir volontairement d'aliments dans certaines conditions fixées par la religion et par esprit de mortification. Jeûner le mois du Ramadan. Les bernardines-bénédictines de cette obédience font maigre toute l'année, jeûnent le carême et beaucoup d'autres jours qui leur sont spéciaux (HUGO, Misér., t. 1, 1862, p. 578). Quand je ne puis faire maigre ni jeûner, y suppléer par quelque mortification, ou au moins par un psaume de la pénitence (DUPANLOUP, Journal, 1866, p. 272) :• 2. Se tournant vers messire Jean Bruant, son voisin : — (...) Avez-vous jeûné hier? — Il était convenable de le faire (...). La veille de l'Épiphanie est nommée vigile (...) et qui dit vigile dit jeûne.FRANCE, Clio, 1900, p. 142.B. — Au fig. S'abstenir ou être privé de toutes espèces de plaisirs et jouissances :• 3. À la comtesse de Grammont, railleuse et piquante, Fénelon conseille de jeûner [it. ds le texte] de conversation mondaine; au duc de Chevreuse, spéculatif et renfermé en lui-même, il conseille de jeûner [it. ds le texte] de raisonnement.SAINTE-BEUVE, Caus. lundi, t. 10, 1854, p. 38.— Pop. Être chaste. Ah! il est avec Rose, maintenant, dit-elle (...). Voyez-vous, ce cafard! Ça vous a pris des habitudes, ça ne peut plus jeûner seulement huit jours! (ZOLA, Nana, 1880, p. 1292).Prononc. et Orth. : [
], (il) jeûne [
]. Cf. jeûne. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1119 « s'abstenir volontairement de nourriture par esprit de pénitence » (PHILIPPE DE THAON, Comput, 3281 ds T.-L.); ca 1160 « être privé de nourriture » (Eneas, 334, ibid.); 1er quart XIIIe s. fig. « se priver de quelque chose » (RECLUS DE MOLLIENS, Miserere, 131, 11). Du lat. chrét. jejunare « jeûner, faire abstinence », fig. « se priver, se tenir à l'écart de ». Fréq. abs. littér. : 185. Bbg. COHEN 1946, p. 71.
jeûner [ʒøne] v. intr.ÉTYM. XIIIe; jeüner, v. 1119; lat. ecclés. jejunare, du lat. class. jejunus « qui n'a pas mangé ». → Jeun (à).❖1 Se priver volontairement de nourriture.♦ (Dans un contexte religieux). S'abstenir d'aliments ou de certains aliments, pour faire acte de dévotion, de mortification; observer un jeûne (cit. 4) rituel. || Chrétiens qui jeûnent fréquemment (→ Austère, cit. 16), qui jeûnent tout le carême. || Musulman qui jeûne pendant le Ramadan. || Jeûner au pain et à l'eau.1 Lorsque vous jeûnez, ne prenez pas un air triste, comme les hypocrites, qui se rendent le visage tout défait, pour montrer aux hommes qu'ils jeûnent.Bible (Sacy), Évangile selon saint Matthieu, VI, 16.2 Il vaut mieux ne pas jeûner et en être humilié, que de jeûner et en être complaisant.Pascal, Pensées, VII, 499.3 Est-il donc, pour jeûner, quatre-temps ou vigile ?Boileau, le Lutrin, I.4 (…) elle (…) jeûnait très exactement les jours d'obligation.Saint-Simon, Mémoires, V, XI.4.1 Lalla aime bien jeûner pourtant, parce que, quand on ne mange pas et qu'on ne boit pas pendant des heures, et des jours, c'est comme si on lavait l'intérieur de son corps. Les heures paraissent plus longues, et plus pleines, car on fait attention à la moindre chose. Les enfants ne vont plus à l'école, les femmes ne travaillent plus dans les champs, les garçons ne vont plus à la ville. Tout le monde reste assis à l'ombre des huttes et des arbres, en parlant un peu et en regardant les ombres bouger avec le soleil.J.-M. G. Le Clézio, Désert, p. 157.♦ (En dehors de toute idée religieuse : jeûne médical, diététique, etc.). || Il est végétarien et il a en outre pris l'habitude de jeûner une semaine tous les deux ou trois mois. || La page-conseil de notre diététicienne : jeûnez, c'est une cure de jouvence !2 (V. 1160). Être privé de nourriture, par force, faute d'aliments; rester à jeun. || La marmotte, le loir jeûnent tout l'hiver. || Jeûner jusqu'au soir. ⇒ Jeun (rester à), jeûne. || Faire jeûner un malade. — Par exagér. Ne pas manger à sa faim. || Mère qui fait, qui laisse jeûner ses enfants (→ Grappiller, cit. 3).5 Depuis lors mes finances ont souvent été fort courtes, mais jamais assez pour être obligé de jeûner.Rousseau, les Confessions, IV.REM. Dans les deux acceptions, le verbe peut s'employer avec un compl. exprimant la durée.6 J'ai prié sans relâche et jeûné quatre jours,Je me suis repenti (…)Leconte de Lisle, Poèmes barbares, « Les deux glaives », I.3 (XIIIe). Fig. et littér. Se priver ou être privé (de qqch.). || Jeûner de qqch. — Spécialt (fam.). Rester chaste.❖DÉR. Jeûne, jeûneur.COMP. Déjeuner.
Encyclopédie Universelle. 2012.